Le 19 mars 2013, des parlementaires français ont pris l’initiative de créer un Cercle d’Amitié France-Karabagh. A l’occasion du vingtième anniversaire du cessez-le-feu, France-Arménie est allé à la rencontre de cette nouvelle structure pour l’interroger sur ses objectifs et ses moyens. Entretien avec François Rochebloine, René Rouquet et Guy Teissier, membres fondateurs du Cercle.
Interview parue dans France-Arménie n°408 – mai 2014
France-Arménie : Pouvez-nous nous décrire en quelques mots le Cercle et sa genèse ?
François Rochebloine : L’idée du Cercle est partie d’un constat : de nombreux élus français – toutes tendances politiques confondues – ont soutenu et continuent de soutenir les aspirations du peuple karabaghiote à la sécurité et à l’autodétermination mais ils agissaient jusqu’à présent de manière relativement isolée les uns des autres. De plus, les discussions que nous avons pu avoir nous ont permis de mesurer à quel point la réalité de la situation du Haut-Karabagh était méconnue, on peut même dire souvent ignorée.
Nous avons donc souhaité rassembler nos forces, mieux structurer notre action, pour toucher nos interlocuteurs politiques avec plus de force et d’efficacité. Aussi avons-nous créé le Cercle d’amitié, structure large et souple, permettant d’aller, bien sûr, vers nos collègues députés et sénateurs, mais aussi, et au-delà, vers tous les élus de nos collectivités régionales et locales, notamment les maires.
F.A. : Combien de personnes représente le Cercle et comment est-il structuré ?
René Rouquet : Le Cercle reste informel car nous pensons qu’une structure trop rigide aurait créé des problèmes et obéré notre action. Il regroupe des responsables politiques amis qui ont en commun un désir et une volonté faire connaître le Haut-Karabagh. Notre démarche rencontre un certain succès puisque nous sommes désormais une trentaine de députés, sénateurs et maires.
Les différentes familles politiques sont représentées : François Rochebloine assure la présidence, Guy Teissier et moi-même sommes vice-présidents. Mais au-delà de nos trois personnes, il faut bien voir que l’action du Cercle est aussi largement le fait de ses autres membres, qui ont déjà pris de multiples initiatives visant à faire connaître et à promouvoir le Haut-Karabagh.
F.A. : Sans parler de doctrine, le Cercle a-t-il une stratégie ou des objectifs affichés ?
Guy Teissier : Je crois que tout a été annoncé dans notre communiqué de presse fondateur. Notre objectif premier est de rompre l’isolement artificiel dont est victime le Haut-Karabagh du fait des politiques hostiles conduites par son voisinage. L’isolement engendre la méconnaissance et la méconnaissance-favorise à son tour le déploiement de la méfiance et de peurs qu’excite une propagande revancharde et anxiogène.
Nous, au contraire, nous attestons que l’indépendance du Haut-Karabagh a été un bienfait pour sa population. Le Haut-Karabagh, nous l’affirmons, est un territoire parfaitement sûr, administré par un gouvernement responsable, muni d’un parlement représentatif de la société et travaillant à l’établissement de standards démocratiques. Forts de ces constats, nous voulons susciter le développement des échanges politiques et culturels mais aussi commerciaux entre la France et ce petit Etat du Caucase du Sud.
Au-delà, nous voulons créer une dynamique positive permettant à toutes les forces démocratiques de la région – y compris en Azerbaïdjan – de retrouver le chemin d’un vrai dialogue.
Au Cercle d’Amitié, nous sommes tous convaincus qu’il n’y a pas de paix possible sans reconnaissance de l’autre. Reconnaître l’autre, cela veut dire reconnaître son droit à la sécurité et à la vie mais aussi reconnaître qu’il reste, en dernier ressort, souverain dans ses choix.
C’est pourquoi nous pensons que l’intégrité territoriale reste un principe abstrait et non opérant dès lors qu’il n’est pas subrogé au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est d’ailleurs le véritable sens profond de la Charte des Nations Unies.
F.A. : Le Cercle existe depuis un an, pouvez tirer un premier bilan concret de son action ?
François Rochebloine : Notre action est encore modeste mais elle a déjà fait quelque bruit. A mon sens, les évènements les plus forts ont été les signatures de Chartes d’amitié. Dès le 11 juin 2013, c’est-à-dire peu après la constitution de notre Cercle, Les Pennes-Mirabeau ont signé une telle charte avec la ville de Martouni. Plus récemment, ce 21 février, ce sont les municipalités de Vienne et de Hadrout qui se sont engagées dans cette voie. C’est un geste politique fort pour lequel je voudrais, au nom du Cercle, adresser mes félicitations à Jacques Rémiller, député honoraire, et à Nariné Aghabalyan, ministre de la Culture, qui a signé cette Charte au nom du Haut-Karabagh.
Comme vient de le dire Guy Teissier, l’objectif de ce type de Charte ne relève pas de la seule symbolique. Il s’agit réellement d’un moyen concret de décliner, au bénéfice du Haut-Karabagh, les dispositions de la coopération décentralisée. Il faut savoir que depuis 2004 et encore plus depuis la loi de 2007 – présentée par Michel Thiollière, ancien maire de Saint-Etienne – « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d’aide au développement ». C’est ce que nous faisons avec le Haut-Karabagh, par le biais de ces chartes que nous concevons comme des outils de dialogue et d’échange entre sociétés civiles. Nous avons bon espoir de convaincre le Quai d’Orsay, que ce type d’initiative peut valablement et concrètement faire partie de la contribution de la France – coprésidente du Groupe de Minsk de l’OSCE – à la restauration de la paix et de la sécurité régionale.
Nous nous en sommes expliqués dans diverses parutions, et notamment dans une tribune parue dans Le Monde qui a eu un certain retentissement.
F.A. : Justement, quelle est la suite de l’action ?
René Rouquet : Vous savez, en matière politique, l’action est souvent fortement influencée par l’actualité. Ceci dit, nous disposons quand même de quelques projets que nous entendons mener à bien mais sur lesquels vous comprendrez que nous gardions une certaine discrétion.
Nous devons accompagner la signature de Chartes d’amitié comme celles signées par Vienne et Hadrout d’une part, Les Pennes-Mirabeau et Martouni d’autre part. Nous allons également essayer de regrouper nos forces au niveau européen. Il ne vous aura pas échappé que notre exemple pourrait faire des émules ailleurs. Et je salue la constitution déjà effective, en Lituanie, d’un véritable groupe d’amitié parlementaire avec le Haut-Karabagh.
Par ailleurs, nous allons demander à l’ensemble de nos membres d’organiser des manifestations locales à l’occasion du 20ème anniversaire du cessez-le-feu. Enfin, dans le courant de l’année, nous espérons mettre en place un évènement de forte visibilité. Vous verrez, il y aura beaucoup de choses et nous invitons tout un chacun à suivre l’action du Cercle à travers le site Internet que nous avons lancé, www.france-karabagh.fr.
Propos recueillis par Varoujan Mardikian