En février 2017, l’Assemblée nationale a rendu public le rapport de sa mission d’information « sur les relations politique et économiques entre la France et l’Azerbaïdjan au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au Sud Caucase ».
Cette mission d’information a été constituée à la demande de l’UDI en conformité avec le règlement de procédure de l’Assemblée qui autorise, une fois par an, les groupes politiques à saisir l’institution sur une question jugée par eux comme nécessitant un surcroît d’investigation. En l’occurrence, Jean-Pierre Vigier, président du groupe UDI à l’Assemblée nationale, soutenu par Jean-Christophe Lagarde le président de l’UDI, souhaitait mettre en place une véritable Commission d’enquête sur l’Azerbaïdjan après que la presse s’est fait l’écho d’allégations répétées de corruption d’élus français. Les réticences du Quai d’Orsay, relayées par Mme Elisabeth Guigou, présidente de la Commission des Affaires Etrangères, ainsi que l’opposition de parlementaires précisément visés par ces allégations ont finalement conduit l’Assemblée nationale à n’autoriser qu’une Mission d’information – dotée de moindre pouvoir d’investigation. La conduite de cette mission, constituée d’une trentaine de parlementaires, a été confiée au rapporteur Jean-Louis Destans, député PS de l’Eure sous la présidence de François Rochebloine, député UDI de la Loire.
La mission a conduit trente-quatre auditions entre septembre 2016 et février 2017. Elle s’est conclue par la publication de deux volumes, le rapport de synthèse proprement dit et la compilation des comptes rendus des auditions. Les personnes auditionnées sont des diplomates, des responsables de sociétés françaises présentes en Azerbaïdjan et des responsables d’organisations non gouvernementales militant pour la défense des Droits de l’Homme ou pour la liberté d’expression. Ont également été auditionnés M. Matthias Fekl, alors secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, M. Thierry Braillard, secrétaire d’État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports et S. E. M. Elchin Amirbayov, Ambassadeur d’Azerbaïdjan en France.
Divers observateurs ont regretté que des parlementaires réputés proches de l’Azerbaïdjan n’aient pu témoigner sous serment comme ils auraient dû le faire dans le cadre d’une Commission d’enquête.
Au-delà de cette imperfection constitutive, la lecture détaillée du rapport fait clairement apparaître la volonté du rapporteur d’équilibrer les violations graves et répétées par le régime azerbaïdjanais des principes fondant les Etats de droit – ainsi que l’image déplorable qui en découle – par des avantages économiques qui résulteraient de la présence française en Azerbaïdjan. Ces avantages restent cependant peu convaincants dans un contexte où le cours des ressources énergétiques sont très bas et où le gaz azerbaïdjanais s’avère peu compétitif – tant en volume qu’en coût – face à la concurrence mondiale entre pays producteurs. Du reste, à plusieurs reprises, les dirigeants de sociétés auditionnés – tous secteurs confondus – ont éludé la question qui leur était posée sur leur recours éventuels à des sociétés publiques d’assurance-crédit sur ce marché très spéculatif.
En revanche, le rapport fait bien apparaître le dilemme qui se présente aux autorités françaises : soit rompre toutes relations diplomatiques avec un Etat qui s’avère dictatorial et se priver des moyens de tempérer ses pratiques répressives à l’intérieur ou guerrières à l’extérieur – l’Azerbaïdjan est en conflit « gelé » avec la République d’Artsakh (ex Haut-Karabagh) ; soit maintenir sans naïveté aucune un canal de dialogue politique dans l’espoir de convaincre le régime de mettre en œuvre des politiques plus conformes à celles des Etats démocratiques et plus susceptibles de contribuer à l’instauration d’une détente régionale. Curieusement, une politique de sanctions graduées ne semble pas avoir été envisagée par la diplomatie française.
C’est cette alternative que présente, de manière plus développée, M. Destans dans son introduction où il précise également que ces auditions « n’ont pas donné lieu à la révélation d’éléments nouveaux qui permettraient à la mission d’information de recommander au Gouvernement une évolution substantielle dans les orientations de la politique étrangère de la France » hormis « dans le domaine, auquel les parlementaires sont par nature très sensibles, de la démocratie, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ». Une affirmation où affleurent de manière implicite – comme dans l’ensemble des auditions – les questions de corruption pour lesquelles les limitations inhérentes à une mission d’information interdisent effectivement la révélation d’éléments nouveaux.
Les conclusions du président de la mission semblent en plein accord avec celle du rapporteur. M. Rochebloine s’est néanmoins permis de les exprimer de manière bien plus directe et critique dans la lettre d’accompagnement du rapport qu’il termine en indiquant que « les conclusion de ce rapport ne me conviennent qu’imparfaitement, notamment en ce qui concerne l’équilibre entre la description des activités économiques et la dénonciation des violations de libertés publiques. Je l’ai malgré tout voté pour en assurer la publication, celle-ci n’étant possible que s’il y a adoption du rapport, afin que l’opinion puisse juger sur pièce de la fausseté des affirmations de propagande que les autorités azéries ne cessent de prodiguer pour masquer la réalité autoritaire de leur pratique politique ».
On notera enfin que certains parlementaires réputés proches de l’Azerbaïdjan – notamment M. Michel Voisin, président du groupe d’amitié France-Azerbaïdjan de l’Assemblée nationale et M. Jean-François Mancel, président de l’Association des Amis de l’Azerbaïdjan – ont éprouvé la nécessité de présenter des conclusions séparées visant à donner une image plus favorable de ce pays. La position minoritaire qui y exprimée est finalement inverse de celle de MM. Destans et Rochebloine puisque ces parlementaires – tout en affirmant que cette mission était inopportune et sans effets dans ses conclusions – ont voté contre la publication du rapport.